Le voisement, le dévoisement et la dénasalisation

Le voisement

Le voisement (ou la sonorisation) de certaines consonnes sourdes est un phénomène qui apparaît tôt dans le développement phonologique de l’enfant. Il implique une importante augmentation non contrôlée des vibrations produites par les cordes vocales qui participent, normalement, à la réalisation des phonèmes sonores. SCHELSTRAETE et al. (2004 :19) donnent l’exemple de pyjama [biʒamɑ] dont la dilation sous l’influence de l’ensemble des phonèmes sonores du mot (les trois voyelles /i, a, ɑ/ et les deux consonnes /ʒ, m/) permet l’apparition de la bilabiale sonore /b/ qui prend le trait distinctif partagé par l’ensemble des sons constituants.

Voici d’autres exemples de consonnes sourdes qui ont pris le trait distinctif de la sonorité sous l’influence de leur environnement phonologique:

 

partir – [bartir]

cour – [gur]

pelle – [bɛl]

jupe – [ʒyb]

Le dévoisement

Le dévoisement est un des phénomènes les plus observés chez l’enfant en apprentissage de la langue française. La forte présence du dévoisement s’explique en grande partie par la réalisation articulatoire des consonnes touchées qui perdent le trait sonore qui les constitue normalement. Il y a une économie phonétique associée à la perte de la sonorité. 

Le dévoisement implique donc une importante réduction (sinon un arrêt complet) des vibrations des cordes vocales. 

BOWEN donne l’exemple de bouge qui devient [buʃ]. La constrictive sonore /ʒ/ est réalisée sans les vibrations des cordes vocales et l’articulation est perçue comme étant la constrictive sourde /ʃ/. Voici d’autres exemples de dévoisement pour lesquels les phonèmes sourds (/f, p, k/) sont articulés sous l’influence d’un phonème apparenté (/v, b, g/) dans les ordres du système (voir le tableau des consonnes du français):

 

lave – [laf]

robe – [rɔp]

jambe – [ʒɑ̃p]

goût – [ku]

La dénasalisation

La dénasalisation chez l’enfant est normale au cours du développement phonologique. Les sons n’étant pas encore complètement intégrés par l’enfant, la dénasalisation entraîne la perte sporadique du trait distinctif de la nasalité des voyelles /ɛ̃, œ̃, ɔ̃, ɑ̃/ qui sont réalisées phonétiquement /ɛ, œ, ɔ, ɑ/. Les voyelles qui participent à ce processus phonologique sont apparentés en français (les sons /ɛ̃, œ̃, ɔ̃/ versus /ɛ, œ, ɔ/) et la dénasalisation est possible grâce à leur appartenance à la série des voyelles mi-ouvertes. L’apparition de la dénasalisation de /ɑ̃/ est rendue possible parce que /ɑ̃/ et /ɑ/ appartiennent à la série des voyelles ouvertes. Voici quelques exemples:

  

mon ami [mɔnami]

impossible [ɛpɔsɪb]

maman [mama]

 

Les deux consonnes nasales /m, n/ peuvent aussi être réalisées par l’enfant comme des consonnes orales puisque /m, n/ et /b, d/, toutes sonores, appartiennent à l’ordre des bilabiales dans le cas de l’opposition qui différencie /m/ de /b/ et à l’ordre des apico-alvéolaires dans le cas de l’opposition qui différencie /n/ de /d/. Voici quelques exemples:

 

mouton [butɔ̃]

annule [adyl]