L’assimilation progressive, régressive et double

Assimilation progressive

En suivant la définition phonologique de l’assimilation phonologique, la prévisibilité non-aléatoire sera possible entre phonèmes d’une même série ou d’un même ordre. Dans le cas de l’assimilation progressive, l’influence du son qui précède un autre son, donne à ce dernier un ou plusieurs de ses traits distinctifs. Il est coutume d’entendre le mot cheveux, être parfois prononcé [ʃfø] plutôt que [ʃœvø]. La présence de [ʃ] devant la constrictive sonore [v] permet le remplacement du trait sonore par un trait sourd qui se traduit par l’articulation de [f] dans [ʃfø]. Il s’agit donc d’une assimilation progressive. Voici d’autres exemples d’assimilations progressives :  

Je ne sais pas [ʒœnœsepɑ] devient [ʃepɑ], au contact de [s] sourd.  [ʒ] se réalise en tant que [ʃ]; 

Des rouleaux de soie [derulodœswa] devient [derulotswa], au contact de [s] sourd. [d] se réalise en tant que [t].

Assimilation régressive

Le plus souvent chez l’enfant, l’assimilation est liée à des phonèmes en contact. Un son donne son trait distinctif (ou plus) à un autre son. Dans le cas de l’assimilation régressive, le mot obtenir est articulé [ɔptœnir] plutôt que [ɔbtœnir]. Le son [b] perd sa sonorité, (il s’articule comme [p]), au contact du phonème sourd [t] qui suit. Il s’agit donc d’une assimilation régressive. Voici d’autres exemples d’assimilations régressives :  

absent [absɑ̃] devient [apsɑ̃], au contact [s] sourd. [b] se réalise en tant que [p];

subtil [sybtil] devient [syptil], au contact [t] sourd. [b] se réalise en tant que [p];

anecdote [anɛkdɔt] devient [anɛɡdɔt], au contact [d] sonore. [k] se réalise en tant que [g].

L’assimilation double

L’assimilation double d’un son se fait par l’influence des sons qui sont en contact avec lui. L’assimilation double est à la fois progressive et régressive. Le phonème sous cette influence articulatoire prend alors le trait distinctif que ces deux autres phonèmes partagent dans son environnement.  Par exemple, l’énoncé pendant les vacances, prononcé [pɑ̃dɑ̃levakɑ̃s] nous montre, dans l’articulation parfois rapide des locuteurs, que [d] se réalise en tant que [n] par assimilation du trait nasal des voyelles [ɑ̃] qui l’entourent. Cela donnera [pɑ̃nɑ̃levakɑ̃s].  

Les exemples comme crocodile [krɔkrɔdil], fourni par SCHELSTRAETE et al. (2004 : 19) ne sont pas liés à l’assimilation. L’apparition du deuxième /r/ n’est pas sujet à l’influence d’un autre phonème, comme on le voit dans la dilation. Dans le cas de [krɔkrɔdil], il vaut mieux parler d’intrusion phonologique, le deuxième /r/ apparaît dans le monème sans être lié à l’influence d’un autre son environnant. Cette explication vaut aussi pour l’apparition de /r/ dans doigt [drwa] et que SCHELSTRAETE et al. (2004 : 19) traitent correctement. L’intrusion est identifiée dans [krɔkrɔdil] à partir de la comparaison du nombre de phonèmes présents dans la production articulatoire entendue (neuf sons) et ceux contenus dans le modèle attendu de la langue (huit sons). Cette analyse fait ressortir que, pour doigt, l’intrusion de /r/ produit quatre phonèmes dans la production articulatoire entendue chez l’enfant au lieu des trois phonèmes du modèle attendu de la langue.   

Le classement de SCHELSTRAETE et al. (2004 : 19) est aussi problématique dans le cas de crocodile [krɔkrɔdil] et doigt [drwa]. Il ne s’agit pas de processus simplificateurs mais bien de processus complexificateurs du monème suite à l’intrusion (l’ajout) d’un phonème supplémentaire dans le mot.